Bruxelles : Non, peut-être ?
(Par Sven Gatz) Frédéric De Gucht est-il devenu Monsieur Non ?
Non.
Mais rappelons tout de même pourquoi, depuis 14 mois, nous ne parvenons pas à former un gouvernement à Bruxelles.
Épisode 1 : le MR et le PS concluent un accord de principe après les élections, mais il n'y a toujours pas de majorité néerlandophone. Le CD&V refuse de dépanner. On décide d'attendre les élections communales.
Épisode 2 : l'ambiance s'envenime entre le MR et le PS en raison de la formation de coalitions douloureuses à Ixelles, Forest et Schaerbeek. Période de stagnation.
Épisode 3 : une majorité néerlandophone se forme (Groen-NVA-Open Vld-Vooruit), mais le PS ne l'accepte pas. Malheureusement, Groen et Vooruit abandonnent également cette majorité à plusieurs reprises (difficile de demander le respect aux francophones quand on ne respecte pas soi-même sa propre majorité).
Épisode 4 : Les Engagés & Groen tentent de démêler la situation et proposent un gouvernement sans la NVA. Les libéraux (F & NL) ne sont pas d'accord. Période de stagnation.
Épisode 5 : Le MR tente de former un gouvernement sans le PS. Cela échoue.
Épisode 6 : Le PS tente de former un gouvernement sans le MR. Cela échoue.
Épisode 7 : le MR fait preuve de créativité et met à disposition un secrétaire d'État francophone issu de la société civile et proche de la NVA. En raison d'une communication prématurée et de quelques détails à régler, cette tentative échoue.
Épisode 8 : Les Engagés se proclament « facilitateurs » avec le soutien d'une minorité néerlandophone. Une proposition créative (encore une fois prématurée) suit : le MR et le PS sacrifieraient chacun un secrétaire d'État francophone (le Cd&v serait embarqué + une « personnalité issue de la société civile ayant une expérience dans le domaine financier »), mais sans la NVA (à quelques exceptions près). L'Open Vld refuse ce scénario : il n'avait pas été discuté au préalable (il a été annoncé lors d'une conférence de presse bien orchestrée).
Qu'avons-nous appris ?
La situation est difficile à Bruxelles – mais ça nous le savions déjà – et surtout, 1/ annoncer des solutions unilatéralement dans les médias ne fonctionne pas, 2/ il faut respecter la loi bruxelloise, c'est-à-dire qu'une majorité francophone et une majorité néerlandophone dans chaque groupe linguistique forment ensemble une majorité régionale bruxelloise.
Quiconque ne respecte pas ces deux points essentiels sur le plan politique et juridique est voué à l'échec. Quelle que soit la créativité de la « solution » proposée. On ne construit pas une maison sur des fondations instables ou bancales.
Ce n'est qu'une fois cela réussi que l'on peut se battre (avec acharnement) pour l'argent et le pouvoir, pour le contenu et le budget.
Le risque qui se profile aujourd'hui est qu'un gouvernement doive être formé à tout prix. Ceux qui avancent cette idée aujourd'hui sont sans doute les mêmes qui, dans six mois, énonceront avec virulence le fait qu'un tel gouvernement ait été construit sur du sable. Bruxelles ne peut plus se permettre de perdre du temps, mais des grains de sable qui s'enfoncent dans le marécage, c'est peut-être encore pire.
C'est pourquoi Frédéric De Gucht dit non. Mais il s'est également proposé comme éclaireur et démineur. Il souhaite poursuivre les discussions, car notre capitale et notre région capitale ne peuvent se permettre un nouveau blocage. Mais cela doit se faire dans le cadre nécessaire décrit ci-dessus : un minimum de confiance et une application maximale de la loi. Ce n'est pas trop demander : non, peut-être ou, comme on dit à Bruxelles, « da's zeikers da » (bien sûr).
Sven Gatz
Ministre bruxellois des Finances et du Budget